« Cùran, me voilà trempé à cause de toi ! Bon, je vais sécher sur la berge, profite de ce bain de soleil, tu en as bien besoin ! »souriait Gwayne en avançant péniblement vers la berge. L’eau lui arrivait jusqu’aux cuisses et avec l’armure qu’il portait constamment, il avait l’impression de porter des tonnes d’acier à même les épaules. Sa dragonne à moitié immergée dans l’eau l’éclaboussa d’un battement de queue vis-à-vis de la petite remarque quand à sa prétendue hygiène. « Ah ! Petite friponne ! »ria le dragonnier en s’enfuyant vers la terre ferme, laissant ainsi sa bête ailée profiter des eaux miroitantes du lac à une heure où l’endroit était relativement désert. Il était tôt, si bien que l’on pouvait goûter à la fraîcheur de l’aube et admirer la luminescence safranée d’un lever de soleil. L’homme appréciait se promener à cette heure matinale où les arômes se mélangeaient dans un cocktail mielleux et où les bruits n’étaient que purement naturels. Un délice explosif. Trempé jusqu’aux ongles, Gwayne partit s’allonger sur la berge. L’herbe était encore humide mais il en appréciait la tiède caresse. Avant de s’étaler de tout son long sur le matelas émeraude, il ôta ses sandales en cuir moulu humides ainsi que sa cuirasse en écailles d’acier pour savourer au mieux la texture moelleuse du sol.

Bercé par le bruit des éclaboussures que Cùran provoquait en se mouvant dans l’eau, le chevalier bleu pouvait ressentir l’allégresse de sa compagne de là où il se trouvait. Leurs âmes liées, leurs émotions partagées. Un instant de pure béatitude. Profitant de cet instant de quiétude, l’homme ferma les yeux et savoura la caresse du vent salé issu des étendues maritimes et le baiser chaleureux des rayons du soleil. Loin des affres de la guerre, loin de l’action et du danger, Gwayne se ressourçait avec sa dragonne. C’était l’occasion pour eux de se remettre d’aplomb avant une prochaine quête. L’opportunité de panser leurs blessures superficielles et croquer aux délices d’un repos mérité mais qui, connaissant Gwayne, serait de courte durée. Heureusement pour lui, Cùran était une grande aventurière dans l’âme. Peut-être même était-elle plus timbrée que lui, mais elle n’en était pas moins dotée d’une grande sagesse. Chose qui faisait défaut à la tête brûlée allongée sur la berge.

Une demi-heure s’écoula jusqu’à ce que Gwayne ressente une certaine agitation chez sa dragonne. La joie malicieuse qu’il pouvait identifier le fit sourire, car il n’y avait qu’un dragon qui pouvait susciter cette camaraderie animée chez sa compagne. Le battement d’ailes au-dessus de lui, l’ombre fugace d’une silhouette survolant le lac et le bruissement de pas en approche lui indiquèrent qu’ils n’étaient plus seuls, lui et Cùran. « Alors vieille dragonne, on vient se décrotter un peu ? Ou est-ce que les livres ont fini par te lasser ? »lança Gwayne d’une voix joyeuse en ouvrant les yeux.