CHAPITRE PREMIER : mes origines

Je suis né en l’an 505 dans une ferme enserrée entre les montagnes et le grand lac d’Ardlos, à une quarantaine de kilomètres de la cité. C’était l’endroit parfait pour l’élevage de moutons. Le paysage était magnifique et le calme de la montagne permettait une méditation sans faille sur le reste du monde. Mon père était d’ailleurs un fermier réputé pour sa sagesse et il était extrêmement apprécié pour la qualité de ses produits : lait de brebis, laine et viande de mouton. La ferme, toujours légué de père en fils (ou en fille), remontait à l’époque même ou mon peuple avait décidé d’abandonner sa vie de nomade pour s’ancrer dans des terres que le reste du monde redoutait, autrement dire bien longtemps ! Il y a toujours eu fort à faire en matière de travail, car la ferme était vaste et les travailleurs peu nombreux dans le coin. Alors, bien que mon père ait déjà quatre fils quand je lui suis né, une paire de bras en plus ne lui serait pas de trop. Je me souviens encore de mon enfance et de ma vie là-bas, avant que je ne trouve cet œuf de dragon. Je me souviens des rires, de la musique, des histoires que j’entendais. Notre ferme et d’autres alentours étaient suffisamment proches pour permettre que l’on devienne un petit village où tous se connaissaient, et il n’était pas rare que des fêtes soient organisées. J’y faisais généralement toujours les quatre-cent coups avec mon frère ainé et les deux autres qui me précédaient. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’était le deuxième de la fratrie qui était le plus sérieux, bien qu’il ne soit pas en reste niveau espièglerie. On s’est toujours bien entendu, liés par le sang mais aussi par une amitié forte et indéfectible. Nous avons aussi eu une petite sœur, la dernière de la famille, qui sous ses airs fragiles de petite fille s’est rapidement intégrée dans la bande de frangins que nous étions alors, et nous a rapidement fait comprendre qu’elle était aussi hargneuse et malicieuse que ses frères. Bref, bien que le travail à la ferme soit difficile et éreintant, je ne me souviens que de ce bonheur et de cette joie qui emplissaient la demeure.

Enfant, je gardais les moutons. Marcher, leur faire monter la montagne en période estivale, la redescendre, leur courir après quand l’une s’en allait pour une mystérieuse raison m’a rapidement aidé à me muscler les mollets et me forger une bonne endurance physique. On m’avait aussi enseigné les bases du combat pour pouvoir me défendre en cas de problème, principalement si je rencontrais un ours ou une autre bête qui voudrait se servir d’un mouton pour se nourrir. Par chance, je n’ai jamais eu à utiliser ce qu’on m’avait apprit, mais je m’entrainais souvent dans les montagnes, tandis que le bétail broutait. Plus tard, quand je suis devenu un jeune homme grand et fort, mon père m’a proposé de devenir bûcheron pour le compte d’un ami à lui qui n’avait pas eu la chance d’avoir de fils. Comme mon père avait déjà quatre fils et une fille pour s’occuper de la ferme, j’ai accepté. Ce travail particulièrement éprouvant a fini de sculpter ma silhouette d’homme vaillant, bien que je n’ai plus trouvé le temps de m’entrainer au combat. C’est là que j’ai rencontré ma future femme, une des filles de mon mentor et ami de mon père. Elle s’appelait Aislinn et son métier était de tisser des vêtements à l’aide de la laine que mon père lui vendait. Ce fut non seulement un mariage d’amour mais d’un point de vue commercial, cette alliance n’était pas négligeable. J’avais alors vingt quatre ans. Mes frères aussi s’étaient mariés, puis ma sœur, et c’est avec joie que nous avons constaté que notre lien était toujours aussi fort. La famille, rien de plus important !

CHAPITRE DEUXIEME : ma vie prend un autre tournant

Malheureusement, à peine cinq ans après notre mariage, ma femme tomba gravement malade et je dus partir en quête d’une herbe curative rare dans les montagnes. Je craignais à chaque instant qu’on m’annonce sa mort sans que je n’ai été à son chevet, mais je craignais par-dessus tout d’échouer et de la perdre. Alors que le cinquième jour de mon périple se levait, je chutais dans une pente pour m’arrêter une vingtaine de mètres plus bas, contre un arbre. Le choc fut violent mais je l’oubliais bien vite en voyant cette fameuse herbe que je cherchais depuis des jours. Me levant à la hâte, excité par le fait de toucher au but et d’enfin sauver ma bien-aimée, je buttais sur un gros œuf à moitié caché sous un gros rocher. Avec circonspection je me suis approché et, la curiosité prenant le dessus, j’ai tendu le bras pour le toucher. Il s’est alors mis à vibrer et a éclot pour laisser place à un petit dragon argenté. Je suis resté abasourdis un instant, mettant du temps à comprendre ce qui m’arrivait. Finalement, j’attrapais le dragonneau et la plante curative sans trop réfléchir et me hâtais de rebrousser chemin. Hélas, j’arrivais trop tard et les funérailles étaient en cours.

J’étais brisé et n’avais plus goût à rien, mais le dragon était là, m’observant et souffrant avec moi. J’avais honte que cette créature doive supporter mon chagrin et je dois avouer que le fait qu’il soit arrivé dans ma vie m’a aidé à ne pas sombrer plus avant, car bien qu’amer, je savais que j’avais une responsabilité envers ce dragon. Quelques jours après, mon père est venu me voir, m’encourageant et me disant que je devais laisser ma vie ici et en commencer une nouvelle. Certes il partageait ma douleur et je devais faire mon deuil, mais je devais intégrer Cill Mohr sans tarder avant qu’on ne pense que je cherche à me rebeller en refusant d’intégrer de mon plein gré la Garde du Vent. Et puis, s’il ne disait rien sur le sujet, je savais qu’il était fier d’avoir un fils dragonnier, bien qu’il en fut étonné au début. Ce genre de chose arrivait rarement, et c’était encore plus vrai pour une famille de fermier perdue en plein milieu du pays. Et pourtant… Au fond, je savais aussi que c’était mieux pour moi, que ça m’aiderait à tourner la page. Et puis… n’avais-je pas rêvé depuis ma plus tendre enfance d’intégrer cette Garde si glorieuse ?

Pour la première fois de ma vie, je quittais cette contrée, la ferme ou j’avais grandi, la maison ou j’avais eu une femme, ces terres où je connaissais tout le monde, pour me rendre sur l’île de Cill Mohr. Là-bas, j’arrivais par le même bateau qu’une autre dragonnière répondant au nom de Khalan Norin qui m rappelait ma sœur. Elle semblait si fragile et était si petite et gracile à mes côtés qu’on aurait pu penser qu’elle allait se briser au moindre effort. A cet instant même je décidais de la prendre sous mon aile et étant constamment ensemble durant les entrainements et les leçons, nous finîmes par être inséparables. Je devins rapidement un excellent combattant et je suis devenu plutôt doué pour la stratégie militaire, en revanche, ma culture est dans la norme, rien de plus ! Je ne doute pas de l’utilité des livres, mais chacun ses dons et je laisse la politique et les philosophie à d’autre. Au terme de notre entrainement et de notre quête initiatique, Khalan et moi nous sommes retrouvés dans le même corps de chevalier, renforçant encore et toujours notre amitié. Avec elle, je retrouvais ce lien que j’avais mes frères et ma sœur, et que je pensais perdu à tout jamais. Elle est devenue ce que j’ai de plus précieux, avec Arne mon dragon et le fait d’appartenir à la Garde. Ensemble nous avons vu le monde changé, nous avons participé aux batailles, surveiller dans le silence les moments de paix et de mon côté, j’ai vu mes parents s’en aller, mes frères aussi, ma sœur, leurs enfants… J’ai gardé quelque contact avec les descendants de ma famille, mais mes visites sont rares, car ils sont appelés à périr et c’est une douleur que je préfère éviter.

CHAPITRE TROISIEME : un nouveau chapitre qui s’ouvre

Bien des décennies ont passé, des siècles même et je suis toujours là. Pour le moment, être un simple chevalier me suffit amplement car partir en mission me permet de me retrouver seul avec Khalan. Nous sommes ensemble depuis cinq belles années maintenant, mais tenons notre relation secrète car parmi la Garde, les relations amoureuses sont mal vue, presque interdite. Pourtant je m’étais promit de ne plus retomber amoureux et lorsque des sentiments se sont développés pour elle j’ai d’abord voulu les ignorer, les réprimer… Mais un jour que nous étions en mission, Khalan a failli y laisser la vie et tandis que je la soignais, mes lèvres ont fini par se poser sur les siennes. L’amour peut sembler être une faiblesse, mais pour moi, c’est ma plus grande force. Car quand je la vois, quand mes iris se posent sur la belle brune alors je me sens fort comme jamais et je sais que rien ne peut m’atteindre. Notre secret sera peut-être découvert un jour, mais en attendant, j’ai réussi à trouver un équilibre parfait dans ma vie et je compte bien tout faire pour que ça perdure.