you're just a stranger now

Un sourire en coin, Eliánn ne pouvait s'empêcher de s'émerveiller à nouveau devant le paysage qui s'offrait à elle. Voilà bien des années qu'elle ne vivait plus à Mirilith et chaque voyage la menant à sa terre natale était comme une bouffée d'oxygène pour la jolie Elfe. Malgré l'éternité qui s'offrait à elle, les quelques années passées loin des siens, de sa famille étaient une rude épreuve. Dès lors qu'elle avait une période libre, Eliánn n'hésitait pas à se rendre avec son dragon Naur dans les forêts de son enfance, loin de l'île de Cill Mohr..

« Cesses donc de te plaindre ! Tu mangeras en arrivant. » Excédée par les plaintes de son dragon qui volait à plusieurs mètres au dessus d'elle, Eliánn avait accéléré la cadence. Elle chevauchait depuis de nombreuses heures au milieu des arbres et des buissons. Elle connaissait le chemin par coeur et n'avait pas besoin de suivre le petit chemin de terre pour arriver à destination. « Si tu étais montée sur mon dos, nous y serions déjà. » « Alors vas-y, ne m'attends pas. » Comme elle s'y attendait, ce dernier obtempéra sans rechigner. Soulagement. Elle était à présent au calme, libre de laisser aller ses pensées, ses souvenirs. Ces lieux n'avaient aucun secret pour elle. Elle se remémora alors toutes ces promenades avec sa soeur Niniel, à parler de choses et d'autres tout en profitant de la beauté que leur offrait ces lieux. Ses pensées étaient nombreuses, ses souvenirs lointains. Combien de fois avait elle arpenté cette forêt avec son frère, servant son père en tant que gardienne de la cité ? Son rôle était simple. Les étrangers venus d'autres terres ne pouvaient s'aventurer au sein de Belegorn sans avoir à faire à Eliánn, son frère Arion et quelques autres Elfes.

Elle galopa sur quelques kilomètres, toujours plongée dans le passé lorsqu'un bruit de sabots au loin la ramena à la réalité. Eliánn ralentit sa monture, intriguée par l'étranger. Elle avait toujours gardé cet instinct de gardienne. Alors qu'elle se rapprochait peu à peu de la personne présente, elle se rendit compte que cette dernière l'avait également aperçue puisque son cheval s'était arrêté de trotrer. Stupeur. La vision de la personne présente la frappa en plein cœur. Un fantôme du passé. Alvira Seighin. « Seighin. » Fit-elle simplement, d'une voix sèche, exprimant clairement toute la rancune qu'elle avait gardé au fil des années envers son ancienne amie. Sa disparition si soudaine avait laissé dans le cœur d'Eliánn une très grande tristesse, qui s'était transformée peu à peu en colère. Son départ avait été pour elle comme une trahison, chose que la dragonnière ne pouvait supporter. « Que viens-tu faire ici ? » Cela sonnait plus comme un reproche qu'une question. Cette rencontre ne lui faisait pas le plus grand bien.

you're just a stranger now

La politesse que montrait Alvira envers elle lui piqua le coeur. Son visage resta cependant impassible mais autrefois, leur rencontre n'aurait pas été si froide et son amie n'aurait pas eu à user de manières de courtoisie. Ces instants appartenaient à deux étrangères, deux personnes qui ne connaissaient rien de l'autre. Eliánn regrettait ce temps, elle se souvenait de ces beaux jours passés à Mirilith en la présence de sa grande amie. Leur différence d'âge lui importait peu, elle l'avait considéré comme son égale durant bien des années.
Le jour où Alvira les avait quitté restait à jamais dans sa tête. Eliánn se doutait bien que cela concernait directement la disparition des parents de son amie. La famille était une chose sacrée, surtout chez les Elfes, ces êtres qui ressentent les plus grandes joies comme les plus grandes peines. Cependant, Eliánn n'avait pas compris pourquoi Alvira était partie sans lui en toucher mot. N'était-ce pas là le rôle d'une amie ? Elle s'était d'abord inquiétée pour elle, la savoir seule dans ce vaste monde rempli de créatures féroces et d'hommes mal avisés ne l'avait pas trop rassuré, malgré la fine lame de son amie. Sa tristesse avait été durant de nombreuses années et était toujours présente aujourd'hui, bien que l'amertume emplissait son coeur.

« Une native de Mirilith n’aurait-elle plus le droit de passage ? » Un sourire bien loin d'être chaleureux se dessina sur les fines lèvres d'Eliánn. Venait-elle d'utiliser le doux langage des siens, elle qui avait quitté, abandonné son peuple, ses amis ? Sa nature de semi-Elfe d'Alvira l'avait certainement menée dans les cités d'Hommes. Elle avait très certainement vécue parmi eux durant tout ce temps, chez ces êtres emplis de vices et la voilà qui revenait en usant du Sindarin. Un outrage. Cependant, Eliánn n'en fit pas la remarque et préféra répondre à sa question afin de se faire comprendre au mieux. Elle utilisa simplement le langage des hommes. « Aucune loi n'interdit l'accès à ceux ayant abandonné leurs frères. Mais si tu souhaites de rendre à Mirilith je t'y accompagne. » Elle n'avait aucunement confiance en son ancienne amie et pour dire vrai, elle ne la considérait plus comme faisant partie de son peuple, hors, seul son peuple détenait le droit de s'aventurer dans cette partie de la forêt, si près de la cité.