don't cry after my death, darling Ҩ

« Rappelles-toi tes origines. Tu ne peux jamais t'en défaire. » Il me regardait comme il le faisait toujours, avec ce sentiment d'indifférence mêlée à une espèce de mission qu'il s’était donné treize ans plus tôt. Je n'étais qu'un fardeau pour lui, la misère qu'il avait décidé sous un coup de tête de sauver des mains de la pire erreur de sa vie. Il ne cessait de rappeler ma naissance, insistant sur le fait que ma mère était une sauvage sans importance. Depuis peu, j'en venais à me demander pourquoi il avait décidé de lui laisser son corps ne serait-ce l'espace d'une nuit, si elle était si terrible que ça. Il ne savait pas qu'elle était enceinte, il la retrouva neuf mois plus tard avec une petite fille dans les bras, emmitouflée de fourrure. Alors pourquoi ne cessait-il de ne me répéter qu'elle me voulait du mal? Il me disait qu'elle allait faire un sacrifice ou quelque chose du genre, qu'elle n'avait rien à faire de l'existence de sa propre chair. Jamais je ne saurai la vérité sur mon passé, mes origines à part celles que mon père me jura être vraie. Cet homme qui m'avait donnée à une vieille cousine, qui ne venait me voir que deux fois l'an, pour simple mesure de vérification. Où voulait-il que j'aille? Treize ans que j'habitais dans cette petite maison éloignée du village et que je n'avais aucun ami. Qui voudrait d'une fille bâtarde? Personne. « Au revoir. » Mes paroles sonnaient froidement, mais ça, mon père ne s'en rendait même pas compte. Je le saluais de façon formelle, il passa sa main une dernière fois dans ma chevelure blonde avant de me laisser seule. Il était venu plus tôt cette année parce que sa cousine était décédée. Il aurait dût s'assurer que j'allais bien, que je n'avais pas besoin de lui. Au lieu de cela, il paya la cérémonie funéraire de sa cousine et passa me signifier qu'il partait à nouveau, sans que je ne sache que ce fût la dernière fois que je le voyais.

not everybody is a loser Ҩ
Mes pas se faisaient d'une légèreté extrême, ne laissant que derrière moi des traces dans la fine couche de neige. La fourure blanche qui m'entourait me permettait de passer inaperçue, même si je ne restais rarement au même endroit plus de quelques secondes. J'étais dans la force de l'âge, presque d'une vingtaine d'années et mon corps était musclé de mes escapades dans la forêt, comme celle que j’effectuais aujourd'hui. Il me fallait tuer une bête assez grosse pour qu'elle me dure pour les mois les plus froids. J'avais toujours appris à vivre seule, même quand la cousine de mon père était sensée d'occuper de moi, la seule chose qu'elle était bonne à faire c'était de picoler et de me dire un ramassis de conneries. Le vent faisait balayer mes cheveux ondulés à mesure que je prenais de la vitesse. J'étais sur la piste d'un chevreuil depuis maintenant trois jours et je n'étais pas prête de le laisser s'en sortir vivante. Je pouvais presque sentir son odeur, entendre ses pattes qui frappaient le sol à vive allure. Ce n'est que trop tard que je me rendis compte que ces pas n'avaient rien à voir avec ceux d'un frêle cerf. Quand je sautai d'un rocher pour quasiment passer à l'attaque, deux hommes à chevaux me surprirent de la gauche, me faisant rater mon saut, tombant directement sur un long galet qui n'avait rien de doux. Le souffle coupé, j'essayais de retrouver l'air en aspirant à grande goulée observant la cime découverte des arbres. Là apparurent dans mon champ de vision les deux imposteurs modestement vêtus signifiant qu'ils ne devaient absolument pas venir du village. Ils riaient, se donnaient des coups de coude et il me fallut un moment avant de comprendre qu'ils parlaient de moi. Soulevée dans les airs, j'essayai de me débattre avec force. J'étais sonnée, ils me surprenaient et j'étais loin d'être sous mon plus beau jour. L'un deux m'emmena sur son cheval et parcouru quelques mètres avant de rejoindre un autre homme, richement paré qui me semblait sortit tout droit d'un magnifique royaume. Mes esprits m'étaient revenus subitement et alors que l'homme essaya de me faire descendre, je lui envoyai mon genou en plein visage et me mis à courir de toute la puissance dont regorgeaient mes pauvres jambes. Jusqu'à ce qu'un autre choc me fasse canter, le brun que je devais absolument associer comme une sorte de seigneur m’apostropha en me tenant le bras fermement. « Tout doux. Où crois-tu aller comme ça? » Il avait l'air amusé, ça même si j'avais probablement défiguré l'homme qui était avec lui. Il semblait drôlement apprécié le fait que j'aille assez de force pour seulement lui infliger de telles blessures. Je n'avais aucune idée de qui il était, mais j'étais certaine que ce seigneur importerait dans ma vie ne serait-ce que ce pauvre petit instant. « Je suis la trace d'un chevreuil. » C'était facile comme réponse, mais pas pour une femme de mon âge, pas pour une femme tout court. Sauf que dans notre village, certaines personnes qui étaient moins fortunées ou tout simplement solitaires se devaient de se nourrir de la seule façon qu'ils connaissaient et dans laquelle j'excellais, la chasse. Son rire était mélodieux à mes oreilles, plus que je n'aurais jamais pu le deviner et mes prunelles s'ancrèrent dans les siens un instant de trop. Comment pouvait-il être si calme, mais pourtant dégager une telle aura que je me serais mise à genoux devant lui s'il l'avait exigé. Et je crois qu'on n’a pas besoin d'insister sur le fait que je n'étais pas une femme docile. Sa poigne était moins forte, j'aurais pu m'en défaire à tout instant pour aller quérir l'animal que je souhaitais tant tuer. « Qui êtes-vous, vous allez me tuer ou me faire attendre encore ? » Je remarquai aussitôt une drôle de lueur dans ses yeux, mais ça se passa si vite que je ne su affirmer si j'avais rêvé. « Disons seulement que je suis un homme étranger qui ne fait que passer. Et non je n'ai pas l'intention de vous tuer. » Tu parles d'une réponse claire, tout ce que j'appréciais le plus. La vérité étant que la chaleur qui émanait de son coeur me criait de m'y blottir. Ses hommes semblèrent comprendre qu'il valait mieux nous laisser seuls. Je gardais mon calme, du moins c'était ce que je croyais que je dégageais, mais en fait une hostilité tempérée d'une estime de moi monstre lui criait que je n'étais pas n'importe qui. L'instant d'après, ses lèvres étaient sur les miennes et mes bras autour de ses fortes épaules, dans un baiser rappelant l'image sauvage que je révélais.

lullaby of a broken mind Ҩ
Il ne suivait jamais un horaire régulier, il ressemblait beaucoup trop à mon père sur ce point. Je pouvais passer de longues semaines incalculables sans voir son parfait visage, sans sentir ses lèvres sur les miennes. Au départ je ne m'étais pas attachée à lui, il m'avait fait comprendre que notre histoire ne serait jamais différente à celle de deux personnes qui se voyaient de temps à autre pour avoir du plaisir charnel. Et ça, je pouvais certifier que c'était largement ce que l'on faisait. Jamais un homme ne m'avait fait ressentir de telles choses, l'impression que j'étais la seule femme qui comptait en l'instant présent. C'était du bluff. Parce qu'après des promesses sans paroles décentes, il pouvait s'échapper durant un long moment, tout comme celui que j'étais en train de vivre. Quatre longs mois, jamais il n'avait décidé de me laisser seule aussi longtemps. Je commençais même à croire qu'il ne reviendrait pas et mon coeur en subissait les conséquences. Je l'aimais, je savais néanmoins que mes sentiments étaient uniques et que rien ne changerait. Je pétrissais tous mes sentiments hostiles en abattant une hache imposante sur le bois que je coupais. Malgré l'air assez froid qui m'entourait, j'avais chaud tant l'effort de laisser aller mes sentiments m'importait. J'étais beaucoup trop concentrée à ces bouts de bois pour me rendre compte que l'homme qui hantait mes pensées était descendu de son cheval. « Quelqu'un vous contrarie? » Sa voix me fit sursauter et retourner avec une telle ferveur que j'en lâchai ma hache. Elle passa à quelques petits centimètres de son visage. J'ouvris la bouche en grand et restai immobile, ne sachant tout simplement pas comment agir dans une telle situation. « Hum. Je crois avoir ma réponse. » Sa voix était lasse, comme s'il avait réellement pu s'ennuyer de moi et qu'il était soulagé de se retrouver dans un pareil trou. La joie m'envahit tout à coup, me rendant compte qu'il était là. Sans savoir pour combien de temps, juste qu'il était venu me voir et que nous passerions un moment ensemble. Je courus jusqu'à lui et lui sautai littéralement dessus, m’emparant de ses lèvres d'une façon passionnée et excitée. Je ne connaissais rien de sa vie en dehors du fait qu'il prenait parfois du temps loin de son royaume pour venir me retrouver. Son nom n'était pas quelque chose que j'avais fini par demander, me contentant tout simplement de ses brefs moments de présence. Il m'avait simplement dit qu'il n'était pas roi, mais cela ne voulait pas dire qu'il n'était pas important... Il me rendait heureuse, j'avais l'impression de servir à quelque chose sur cette terre. Cependant, notre étreinte fut rapidement coupée et il se dégagea de moi, en me reposant doucement par terre et en passant une main dans mes cheveux. Non. Je détestais ce genre de regard, je l'avais vu tant de fois de la part d'un homme qui était désormais décédé. « Je dois partir. Je ne sais pas quand je pourrai revenir. » C'est... tout?... Le souffle coupé, je l’interrogeai du regard sans qu'il ne décoince ses muscles. Aussitôt mon corps se délesta de toutes les convenances et des larmes roulèrent sur mes joues. Je savais que je ne pouvais rien faire, j'avais littéralement l'impression d'être absolument rien. Rien, parce que l'homme que j'aimais s'en allait et avait l'air de dire que nous ne nous recroiserions jamais.

i was alright by myself Ҩ
Ce n'est pas parce qu'une fille a le coeur brisé qu'elle passe son temps dans sa maison loin de toutes autres personnes du village qu'elle est forcément triste. Normalement, on penserait que je pleurais mon malheur toutes les nuits pour m'endormir, mais j'avais mieux à faire que de pleurer sur mon sort. Même si mon passé était parsemé d'erreur et de peine d'amour, je n'avais pas le choix de me remettre sur pied. Qui s'occuperait de moi si je n'étais plus en mesure de le faire? Personne. Parce qu'il n'y avait pas une âme dans le village qui voulait avoir à faire avec la vieille rabougrie ou tout bonnement la folle dans sa maison éloignée. Ils ne me connaissaient pas, je ne leur avais jamais réellement donné la chance de le faire d'ailleurs. Je me vêtis de mon manteau de renard blanc avant de passer le pan de porte, rentrant immédiatement ma tête dans le pelage quand je sentis l'air froid du début de soirée. Le soleil se couchait tranquillement à l'horizon et il m'était venu le temps de sortir, pour aller chercher quelques épices qui manquaient pour l'énorme morceau de viande que j'avais chassé pas plus tard qu'hier. Les rues étaient tranquilles, seules quelques personnes s'y promenaient et c'était surtout des jolis couples qui ne faisaient que me rappeler que l'amour ne m'était pas donné. J'étais trop vieille pour espérer un beau mari dans la force de l'âge, ils ne s'intéressaient pas à une fille bizarre comme moi de vingt-quatre ans.

Je saluai l'homme qui me vendit les épices en sortant de son échoppe, évitant les regards de deux femmes qui me pointaient carrément du doigt. Il faisait noir désormais et j'accélérai le pas pour me rendre à ma demeure tant le froid m'agaçait. Un cri se fit entendre au tournant d'une ruelle sombre et mes deux prunelles mirent un long moment avant de s'habituer à la noirceur. J'avais beau être détestée dans cet endroit, j'étais certaine qu'il n'y avait pas aucune âme qui daignerait lever le doigt si j'étais en mauvaise posture, mais moi je n'étais pas ce genre de personne. La justice était primordiale, si je pouvais aider quelqu'un je le faisais, sans me poser de questions en retour. Je m'approchai du cri pour découvrir une jeune fille d'environ quinze ans, entourée de trois hommes plus saouls que jamais. Ils étaient heureux, je représentais sans doute un butin de plus sur le moment. Doucement, je me penchai pour déposer mon sac d'épices et envoyai mon point en plein dans la figure du premier homme qui s'était avancé pour me parler. Son nez craqua et le liquide rouge chaud se mit à couler de ses blessures, tandis qu'il gémissait. Il devait être le plus idiot du groupe puisqu'il ne pensa pas à se protéger davantage.

Je sortis ma dague et lui fit une entaille au niveau des côtes, de sorte qu'il ne puisse plus se relever pour un moment. L'un des autres porcs garda en main la pauvre enfant et un homme plutôt costaud que je savais cocu depuis des années s'avança pour me faire face. Il n'avait pas l'air de me trouver effrayante, du moins pas tant que j'esquive ses gestes et que je lui envoie un coup de genou en plein entre les jambes. Je sautai sur le dos du troisième homme, ma lame sur sa gorge en approchant mon visage des deux protagonistes. « Sauves-toi. » La brunette ne demanda pas son reste et s'enfuit en pleurant, sans jamais une once de remerciement envers moi. Mes deux mains se levèrent, pour frapper le gros trapu derrière la tête, m'emmenant dans sa chute. L'une de mes jambes était sous son corps flasque et j'entendis un coup sourd derrière moi. Repoussant le corps de l'homme, je me relevai sur mes gardes et me retrouvai devant un autre homme, plus jeune et à l'air bien trop gentil pour me faire peur. Le troisième homme était lui aussi évanoui et je fis rapidement l'association, serrant les poings et fronçant les sourcils d'une vive contrariété. « J'aurai pu m'en occuper toute seule ! » Il me sourit en guise de réponse et me tendit la main. « Bonsoir milady, je me nomme Niethen Barethen. » Je le dévisageai, complètement exaspérée des paroles qu'il venait de m'offrir. Pour qui se prenait-il? Oh, bien sûr c'était évident. La première personne qui m'aidait ne devait absolument pas venir de se village et je ne me rappelais pas l'avoir déjà vu dans le coin d'ailleurs. Ses yeux pétillaient, comme s'il voyait quelque chose en moi d'assez extraordinaire. Il me tendit la main et je la regardai, un long moment avant de m'en emparer à sa demande. Il me traîna doucement jusqu'au pub du coin, je ne résistai pas, me laissant faire pour une fois dans ma vie. Il ne me semblait pas méchant, j'avais même l'impression que je pouvais lui donner mon entière confiance. Il me laissa seule un instant pour revenir avec un bout de tissu fraîchement mouillé. Niethen me fit sursauter quand il essuya ce qui devait être une légère entaille, probablement causée par la chute avec le gros porc. Je soupirai, consciente que j'avais été tendue depuis un moment déjà. « Brighid-Vitanie Dylis. » Il planta ses prunelles azurs dans les miennes et me sourit en me soufflant doucement: « Cela va de soi. »


« Faites comme chez vous. Désolée du désordre, je ne m'attendais pas à quelconque visiteur. » Je n'avais jamais de visiteurs de toute façon, mais ça je n'étais pas obligée d'en informer Niethen. Il pouvait décemment se rendre compte de quel genre de femme j'étais en un simple rapide coup d'oeil de ma demeure. Tout était bien rangé, seul des feuilles éparpillées sur ma table aurait pu faire penser à un relâchement. Mes notes, ce que l'on pourrait appellé en quelque sorte comme un journal. Pensées, essais et cartes y étaient dessinés, quand toutefois je me permettais une sortie loin de ce village. Il n'aurait pas dû exister d'attachement à cet endroit, pourtant je n'avais jamais même songé m'enfuir ailleurs. Peut-être n'en avais-je jamais eu l'occasion, mais quelqu'un allait m'en offrir la chance plus tôt que je ne l'aurais cru. Niethen. « J'aime, on s'y sent bien. » J'avais invité l'homme qui m'avait prétendument sauvé la vie à dormir chez moi puisqu'il n'avait pas d'autres endroits. Niethen était un bel homme, dans la force de l'âge et il aurait facilement pu se trouver une jeune femme à séduire au village. Cependant, il avait décidé de rester avec moi et un peu de compagnie me rappelait que je n'étais pas entièrement asociale. Se faisant déjà plutôt tard, nous avons parlé quelques minutes de plus avant de décider d'aller dormir, sans aucune arrière-pensée. Non que je n'aurais pas accepté quelconque chaleur, j'avais tout de même des sentiments, mais aussi une réputation à tenir. Ça, c'était ce que j'essayais de me faire croire, sauf qu'il ne se produit rien. Le lendemain matin, quand je le saluai de la porte entrouverte, j'étais loin de me douter qu'il m'enverrait une missive quelques semaines plus tard, convoquée à la grande ville de Starkhaven.

that's the price for a reputation Ҩ
La lettre que Niethen Barenthen m'avait envoyée était toute chiffonnée dans ma main droite, tant je l'avais relue et consultée, tant je l'avais serré contre moi. On me donnait la chance de faire mes preuves, d'agir sur la vie des autres et de tenir la vérité entre mes mains. Tout ce qui restait de ma vie dans mon ancien village était maintenant des deux côtés du cheval que je montais. J'avais pu me le procurer en vendant ma maison et la plupart des choses qui s'y trouvaient. Je n'avais pas songé trop longtemps, juste assez pour me décider à m'enfuir de ce maudit endroit le plus rapidement possible. Rien ne m'attachait à cet endroit, alors je ne vois sincèrement pas pourquoi j'aurais décidé d'y rester. Je venais de traverser les portes de la grande ville de Starkhaven, endroit où je n'avais bien évidemment jamais posé les pieds. Il était déjà très tard dans la nuit, la ville était encore calme, seules des agitations me venaient au loin, probablement du château qui devait fêter je ne sais quel événement. Je débarquai de ma monture et l'attachai à l'entrée, seulement pour pouvoir observer un peu les lieux. D'ailleurs, j'étais bien trop excitée pour le moment pour faire quoi que ce soit. Mes pas étaient rapides, je regardais les enseignes des magasins avec une étincelle dans les yeux, j'étais certaine que cette ville devait être extrêmement vivante le jour venu. Il fallait croire que j'étais beaucoup moins sur les gardes que je croyais, puisqu'un homme me rentra directement dedans au tournant d'une rue plutôt sombre. Surprise, je le dévisageai et hoquetai de surprise quand je reconnus l'homme qui se trouvait devant moi. Lui. Que faisait-il ici? C'était idiot, comme n'avais-je pas pu y penser plus tôt? Lui aussi était largement étonné de me rencontrer dans un endroit pareil, surtout après des mois de séparation. Il me tira avec véhémence dans la rue et me plaqua au mur, avec un peu trop de force pour que je sente ces retrouvailles comme quelque chose de bien. « Vitanie! Que faites-vous à Starkhaven? » Je n'avais pas le droit de sortir dans les grandes villes maintenant? Peut-être qu'il espérait avoir une réputation non ternie, un truc dans le genre. Il devait avoir un rôle important dans cette ville, sans quoi il ne serait pas aussi frustré de me voir. Du moins, c'était ce que je ne cessais de me répéter, parce que dans le fond mon coeur lui criait de le serrer dans mes bras. « Je suis venue passer un moment dans une ville distinguée, est-ce si difficile à digérer que ça? Et vous, pourquoi êtes-vous si... étrange? » Ses prunelles étaient quasiment exorbitées et il était en sueur, comme s'il venait de courir le marathon. Il fronça automatiquement ses sourcils, il devait savoir que je n'étais pas aussi idiote qu'il aurait pu le croire. Je crois même que c'est pour l'une de ses raisons qu'il est resté si longtemps avec moi, ou au contraire qu'il s'est enfui. Peut-être posais-je trop de questions, peut-être que mon intelligence le mettait en danger de quelconque façon? « C'est compliqué. » Il croyait sincèrement que j'accepterais cette réponse sans broncher? Il ajusta son sac sur son épaule et se détourna de moi, sans aucun regard pour signifier quoi que ce soit d'autre. Furibonde, je supprimai l'espace qui nous séparait pour le pousser de toutes mes forces, si bien qu'il fut déstabilisé et se percuta le mur d'en face assez fortement. Ce n'était pas parce que j'avais une force surhumaine, loin de là, c'était encore une fois sous le joug de la surprise. Il lâcha son sac en le laissant tomber d'un lourd bruit au sol et se retourna vers moi, aussi furieux que je l'étais. Je l'avais vu dans cet état d'esprit que quelques fois dans ma vie et je pouvais vous certifier que je préférais vraiment quand il n'était pas comme ça. Mais je n'y pouvais rien. Il devait me dire ce qui se produirait. « Ce sont des affaires d'importance Silke, laissez-moi tranquille! » Ses paroles sonnaient beaucoup moins colérique que son état, je me demandais s'il se retenait, et si oui pour quelle satanée raison. Toujours aussi énervée, je mis ses paroles de côté et m'approcha à nouveau de lui à toute vitesse, mais cette fois pour déposer mes lèvres sur les siennes, d'un baiser rageur et salvateur. Ça ne lui prit pas plus de temps pour y répondre, collant son corps au mien en oubliant tout ce qui avait pu se produire ces derniers mois. Des cris s'approchaient au loin et mon Nemesis se décolla avec une vitesse quasi subliminale, il agrippa son sac et se mit à courir en me laissant avec une seule parole en retour: « Désolé. » Des gardes finirent par passer près de moi, ils étaient à la recherche de quelqu'un et je compris automatiquement qu'il s'agissait de lui. L'un d'eux se détacha du cortège et me regarda avec suspicion, en me posant une seule question: « Avez-vous vu Tybalt Cybard passer près d'ici? » Mon coeur fit un bond. C'était vraiment son nom? L'homme qui hantait mes souvenirs comme mon âme était le conseiller du suzerain d'Eador? Je ne comprenais pas pourquoi on le cherchait, mais j’avais encore toute ma tête pour ne pas faire n’importe quoi. Que faisait-il à Starkhaven? Je fis non de la tête, sans néanmoins réussir à faire sortir un bruit de ma bouche. Quatre ans que je le connaissais, que nous nous côtoyions sous la couche et j'apprenais enfin sa réelle identité. Tybalt Cybard.

first assignment Ҩ
« Félicitations, Brighid-Vitanie Dylis, vous êtes maintenant une de nos espionnes. » Ce devait être le moment de ma vie où j'étais le plus fière. Entourée des trois hommes les plus importants de Starhaven et de Niethen, ils affichaient tous une expression contente, mais certainement pas autant que le sourire qui apparaissait sur mon visage. J'avais réussi la première et finale épreuve de mon initiation avant d'être officiellement aperçue comme une espionne du groupe de triangle de vérité. C'était magique, j'avais relevé le tout haut la main. Au départ je croyais que c'était simplement une épreuve normale, ou du moins que j'étais déjà réellement un membre depuis mon arrivée à Starkhaven. Seulement quand j'eus découvert la vérité sur un faux noble qui avait tué sa femme dans les plaines enneigées, je sus que tout ça n'avait été qu'un test. Au moins, je l'avais passé haut la main. Niethen avait même passé deux mois à m'"entrainer" à sa demeure, à une heure de marche de la ville. Je prenais mon rôle de première femme de ce rang au sérieux et je m'attelais à les faire sentir que j'étais toujours aussi reconnaissante de m'avoir fait quitter ce malheureux village. « Merci. » Revenue au moment présent, même dans un moment aussi parfait, je ne pouvais m’empêcher de lancer des regards fiers vers mon mentor. Ma première vraie mission s’avérait être une de haut rang, d’une importance capitale comme ils me disaient tant. Ma couverture consistait à être la première servante de la jeune Freyja Neiteh dans la ville d’Eador et j’accomplissais mes tâches d’espionne la nuit tombée. Je n’avais toujours pas eu de mission en dehors de la ville et je devais avouer que je commençais à bien m’y faire à Starkhaven. J’étais très inspirée par cette nouvelle tâche, une espionne infiltrée aussi près des décisions d’importances dans la ville d’Eador, ça ne c’était pas vu depuis l’ère des frères. Ce qui me faisait drôlement tout remettre en doute, c’était l’idée que je rencontrerais à nouveau mon talon d’achille; Tybalt.[/